La Fac.

Université de Tolbiac, 90 rue de Tolbiac (13e).

Livrée en 1973 par Michel Andrault & Pierre Parat (avec Nathan Celnik et Aydin Guvan).

LFAC titrant sa chronique « La Fac », c’est le pompon… bonjour la modestie ! M’enfin, ce n’est pas tous les jours qu’on croise un quasi homonyme, comprenez l’émotion ! D’ailleurs, vous allez vite vous rendre compte que l’intention n’était nullement d’esquisser un autoportrait mais plutôt, d’après notre rédac-chef, de « placer un de mes fameux jeux de mots » (sic). En réalité, comprenez par ce titre que, des facs comme celle-ci, eh ben y a pas pléthore ! D’où les majuscules, un peu comme chez… La Pompadour voyez-vous, question de notoriété. Et pour reprendre notre analogie à la maîtresse royale, La Fac – elle aussi – ne manque pas d’atours, jugez-en plutôt : une certaine prestance, notamment par son maintien altier ou, si ce n’est encore, due à ses magnifiques et imposants volumes en surplomb rayonnant autour d’un tronc solidement bâti mais plutôt fin, et que dire de son teint de bronze rehaussé de blanc, bref c’est comme qui dirait… de la belle ouvrage !

Conseil pratique : si d’aventure, aujourd’hui, vous vous obstiniez à la chercher suivant son appellation officielle, demandez le « Centre universitaire Pierre-Mendès-France, site de Tolbiac » bien qu’il soit parfois appelé « Centre Tolbiac » même si ce-dernier n’est pas la fac mais un CROUS… merci de votre compréhension !

La fac Tolbiac – car c’est ainsi que nous l’appellerons – est considérée (à juste titre) comme une œuvre majeure du duo d’architectes Michel Andrault et Pierre Parat. Eh oui, encore eux ! Nous les connaissons bien ici, nous avions déjà chroniqué La Totem (1978, « Top-modèle en Seine sur podium ») et l’ex-POPB (1984, « La pyramide, ou le temple au gazon oblique »)… donc voir par ailleurs leur bio. Signalons tout de même parmi leurs œuvres les plus importantes – emblématiques de leur audace plastique, magnifiques prototypes – hormis les trois déjà nommées : la basilique Madonna delle Lacrime à Syracuse (1957-1994, Italie), les ex-sièges de l’agence Havas à Neuilly-sur-Seine (1972) et des AGF « Los Cubos » à Madrid (1981, Espagne), l’ensemble d’habitation Les Pyramides à Évry (1981) et, parmi d’autres à La Défense, les tours Séquoia (1990) et Société Générale (1995) ainsi que l’ensemble Kupka (1992). Rien qu’avec ça – une université, un lieu de culte et un temple du sport, des logements et des bureaux – quelle grande œuvre !… je préconise donc leur catastérisation sur la voûte céleste de l’Architecture.

C’est dans un contexte post-soixante-huitard que fut confié sa construction à nos deux architectes. Là, face aux tours de la dalle Olympiades et sur un petit terrain triangulaire de 4.700 m2, le parti pris sera celui de la verticalité (répondant au défi de la densité, et libérant le sol). Sur un sous-sol de 4 niveaux de parking, à rez-de-chaussée et donnant accès au hall principal, un espace de transition ouvert – voulu comme un lieu de rencontre entre les étudiants et la population – est aménagé. Ce sont Yvette et Bernard Alleaume qui donnèrent mouvement au sol, faisant là une sculpture horizontale vallonnée et couverte de galets menant à des gradins, toiture couvrant 6 amphithéâtres ronds appareillés de briques et disposés en corolle autour du hall d’où jaillit le noyau central. Celui-ci, composé de 3 fûts en béton brut (puis peint), contient les circulations verticales (ascenseurs et escaliers) par une expression claire de leur fonction : la distribution vers les modules. Accrochés et suspendus au noyau, un puis deux puis trois modules cubiques superposés accueillent les salles de cours et les bureaux. Chacun, comprenant 5 niveaux, est enveloppé de verre fumé et souligné de béton peint (pour les parties apparentes de l’ossature). Entre eux, fractionnant les volumes pour éviter tout monolithisme et « donner de la cohérence à la volumétrie », sont imaginés des forums d’altitude : espaces ouverts (puis fermés de baies vitrées pour des raisons de sécurité) suspendus, équivalents d’inter-cours, garnis de tables et de sièges. Aux étudiants, hier dans la rue et scandant « Sous les pavés, la plage ! », leur fut répondu « Sur les galets, la fac ! ». Et quelle fac ! Un prototype ? Oui, comme souvent avec Andrault et Parat, fait de typologies et plein d’audace. 

Et quel travail de recherche plastique, et structurelle ! Salué d’ailleurs par le label Patrimoine du XXe siècle mais plus sérieusement par Michel Ragon qui soulignait que la sculpture (pour Andrault) et la peinture (pour Parat) étaient leur « laboratoire poétique ». Que des structures « vraies », une mise en scène géométrique ou plutôt une mise en espace (comme d’autres font des mises en pages, suivez mon regard !) des volumes, distincts, leur façon claire et franche d’exprimer le rendu du programme. Tout y est, se côtoie et se répond dans la plus simple (et donc sublime) expression. Formes : rond et carré ; matériaux : brique, béton et verre ; teintes : ocre, brut, blanc et bronze ; mouvements : horizontale et verticale, mais aussi vide et surplomb (le portant et le porté), densité et respirations suspendues… n’en jetez plus, voilà l’Architecture ! Au passage, citons – fort à propos – du Corbu : « L’assiette fondamentale : l’imagination, la poésie et le sens plastique ». Pour ce qui est de l’imagination et du sens plastique, avec Andrault et Parat, pourtant débiteurs de personne, le maître pouvait reposer tranquille au pied de son cabanon. Et, chers amis poètes, par-delà vos recueils, l’université étant le lieu de la transmission du savoir d’un individu à un autre, ne voyons-nous pas un arbre de la connaissance à gros fruits ?

Grâce à eux deux, Paris pouvait se regarder dans la glace… Quelle est la fac la plus iconique ? La tour résidentielle la plus prospective ? La salle de sport la plus polyvalente ? Réponses : dans leurs monographies ! Chacune architecture-sculpture, liant forme et usage, geste total s’exposant au risque de la nouveauté. Michel Andrault (1926-2020) et Pierre Parat (1928-2019) ou la nostalgie de ces années 1970, lorsque l’architecture chantait les « idées folles » d’une société en pleine ébullition. Reprise : « Ex-fan des seventies, où sont tes années folles ? Que sont devenues toutes tes idoles ? Disparus Roger Anger, Jean Balladur, Jean Willerval, Roger Taillibert. Idem Michel Andrault et Pierre Parat… » (et merci aussi à l’homme à la tête de choux).

LFAC

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