Quartier La Défense (Puteaux, Courbevoie et Nanterre, 92).
Livraison de 1966 (ou 1958, c’est selon) à nos jours.
LA GRANDE AVENTURE, c’est-à-dire l’émergence de La Défense, démarrait bien. Pensez donc : au nord-ouest le CNIT – comme un déclic – avec sa voûte fantastique, au sud-est la Tour Initiale – tel un signal – avec ses innovations fondamentales, puis çà et là du grand axe la Tour Blanche (des frères Arsène-Henry) re-vêtue depuis et les tours Europe et Atlantique (du trio Delb-Chesneau-Verola) aux vêtures distinctes – l’une lourde et l’autre légère – aujourd’hui encore telles quelles. Ouais, à l’automne 1970, ça commençait à avoir de la gueule !… L’impulsion était donnée, et l’on se frisait les moustaches vu l’afflux de nouvelles commandes. Désormais seul maître à bord, l’EPAD modifia des contraintes du plan initial afin d’augmenter les surfaces de plancher : naîtrons les tours de la 2ème génération – certaines en se dédoublant, d’autres en crevant le plafond des 100 m. de haut – parmi les premières résidences. Suivra le 1er choc pétrolier, remettant en cause les coûts d’exploitation générant une nouvelle approche programmatique : les tours de la 3ème génération. La livraison de la dalle surélevée et de la gare s’achevait, nous menant à l’aube des années 1990 avec l’érection de la Grande Arche. Bref, durant ces vingt ans, tout concourrait à un coup d’éclat permanent.




QUANT À L’ESTHÉTIQUE, nul ne peut dire que les tours de la 2ème génération aient à jalouser leurs aînées. Prenez celles qui se dédoublèrent : la Franklin (encore de Delb-Chesneau-Verola, 1972) toute raide d’une transparence teintée de bronze et la Manhattan (d’Herbert et Proux, 1975) toute sinueuse – entre ses arêtes vives – au vitrage nuancé. Ou celles qui, désormais, toisèrent à 180 m. de haut : la GAN (aujourd’hui CB21, d’Harrison & Abramovitz, 1974) au plan cruciforme enveloppé de verres au ton vert et la FIAT (aujourd’hui AREVA, de SOM et Saubot-Jullien, 1974) tel un monolithe noir comme échappé d’un film de Kubrick ; le plan initial s’oublie, la qualité reste. Radicalement expressives, toutes faisaient leur le propos – sur les tours – de Mies van der Rohe : « une chose fière et élancée ». Puis, à leurs pieds, voici les premiers appartements en lisière du grand axe : la résidence Vision 80 (de Jouve, Frischlander et Mamfredos, 1973) superbement carénée de béton brut de décoffrage. Le 1er choc pétrolier (fin 1973) ne put cependant épargner celles qui n’étaient alors que programmées. Pendant quatre ans, pas un mètre carré de bureaux ne fut construit ; cependant l’EPAD ouvrait d’autres chantiers d’immeubles d’habitation : par exemple, Les Damiers (de Binoux et Folliasson avec père et fils Kandjian, 1975-1978) alors que la dalle surélevée – large avenue piétonne paysagée et animée continuant l’axe historique – arrivait à terme et que la ligne A du RER arrivait à la station La Défense. La crise économique façonna une nouvelle stratégie, comprenez : la politique de l’EPAD suivra dès lors une logique financière.




REMETTANT EN CAUSE l’urbanisme des tours en guise d’argumentation, l’EPAD se tourna alors vers un super-promoteur (la SARI) et deux agences d’architecture bien introduites (Saubot-Jullien et La Fonta) pour mieux maîtriser la commande sinon les contractants. L’esthétique, certes changeante, restait néanmoins au rendez-vous grâce à quelques projets offerts à la crème de la crème des architectes français. Par exemple, les excellents Binoux et Folliasson (toujours avec A. et H. Kandjian) pour la réalisation d’une résidence et d’un hôtel – respectivement les Citadines & Fraser Suites et l’Ibis Novotel – tous deux en 1984 près de leurs Damiers (au nord de la dalle face à Initiale) ou le grand Willerval s’y distinguant avec la triangulée tour Allianz-Athéna (1984) et la creusée tour Descartes (1988, avec F. Urquijo & G. Macola) ou encore l’immense Balladur avec son étonnant tripode : la tour SCOR (1983). De cette période, qui courut jusqu’en 1989, les tours de la 3ème génération – sauf celles de Saubot-Jullien et La Fonta – restèrent majoritairement dans leurs tubes aux archives. Cependant, l’une d’entre elles émargeait du lot : la Total Coupole, où l’on put observer que l’américanisation grignotait du terrain sur notre quartier d’affaires « à la française ». De WZMH Architects (associés aux omniprésents Saubot-Jullien, 1985), cette tour – qui devait être la jumelle d’Areva – se distingua non seulement par son impressionnante surface (53.000 m2) en mur-rideau miroitant mais aussi par ses volumes dits « en jeu d’orgues » – décomposés en échelles différentes, ils sont juxtaposés et d’apparence tubulaire – qui assuraient l’éclairage en premier jour de tous les bureaux.



PENDANT CE TEMPS-LÀ, n’oublions pas que deux autres mini-quartiers d’affaires – profitant de ce vécu et pour le moins réussis quant à l’architecture – virent le jour à Paris : le Front de Seine (15e) également sur dalle dans le quartier Beaugrenelle et l’ensemble, parfois sur socle, quai de la Rapée (12e) vers la Gare de Lyon. Mais aussi qu’en 1977, compilant toutes ces expériences, fut également établi le 1er règlement des IGH (Immeubles de Grande Hauteur) essentiellement pour la lutte contre l’incendie. De retour à La Défense, alors que Saubot-Jullien et La Fonta construisaient à qui mieux-mieux, semblait encore manquer un je-ne-sais-quoi pour sublimer le coup d’éclat permanent. Et c’est le Président François Mitterrand, vous l’aviez deviné, qui sortit tout ce beau monde de son confort ouaté en extrayant de sa hotte – estampillée Grands Travaux – le concours international d’architecture « Tête Défense » : une construction monumentale devra désormais magnifier l’axe historique en une perspective monumentale. Alors que ses deux prédécesseurs s’y étaient cassés les dents, il réussira le tour de force de… ne pas s’immiscer dans le choix du jury qui sortit de son chapeau un illustre inconnu : le danois Johan Otto von Spreckelsen, auteur de la Grande Arche [dont l’incroyable histoire sera bientôt contée, en une chez LFAC].

LE LONG DE CES vingt ans, parés de leurs plus beaux atours, tours et immeubles « flattaient » le quartier : c’était le printemps de La Défense, on jubilait. Puis vint une nouvelle tendance : l’ultra-performance. De 1990 à 2005, les tours de la 4ème génération seraient flexibles (aux occupants interchangeables sans travaux lourds apparents) et, depuis 2005 sous HQE, celles de la 5ème génération manifesteraient un renouvellement formel et une très grande hauteur comme signes extérieurs de noblesse. Déclassées pour obsolescence, d’autres succombèrent ou se rhabillèrent : ce sera le grand remplacement. À suivre, dans le prochain et dernier volet…
LFAC
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